Retraite paisible (?)

Admin Who Messages : 34 Date d'inscription : 19/01/2014

Le Temple de la montagne d'or , un lieu de culte égaré au milieu de la montagne , accessible seulement à pied par un long chemin rocheux. Bien qu'il soit dirigé par une longue famille de bouddhistes , le temple n'est affilié à aucune pratique religieuse , et de ce fait il est ouvert à toute personne en recherche de spiritualité ou bien encore de tranquilité loin des tumultes de la vie moderne. Qu'importe vos pratiques religieuses ( tant qu'elles n'impliquent pas de sacrifices humains) vous serez accueillis à bras ouverts.

Dortoir
Dimanche 3 aout 2019
6h07

A moins d'une semaine du bouclage du numéro spécial de l'Enquêteur Moderne qui lui avait valu cinq longs mois de travail acharné , Sophia Blumberg se sentait pourtant des plus sereines. Comme à son habitude lorsqu'elle devait rédiger un dossier d'une importance capitale , elle s'était isolée loin de la ville et de ses sources de stress afin de profiter d'une retraite au Temple de la montagne d'or , qu'elle avait découvert à l'époque où , débutante , elle avait la charge de la page culture du journal pour lequel elle travaillait. Et elle avait eu un énorme coup de coeur pour les lieux et la sérénité qui s'en dégageait, au point d'en faire son refuge en période de stress intense. Ce qui lui avait valu d'être vite connue de la famille qui s'occupait du temple , avec qui elle avait noué des liens profonds d'amitié , puisque son métier de journaliste d'investigation n'était pas des plus paisibles.

Malgré l'heure matinale , Sophia était pleine d'entrain à l'idée de la nouvelle journée qui s'annonçait. Elle avait presque fini d'écrire son dossier sur les différents trafics règnant dans le port de la ville , ce qui allait lui permettre de profiter des quelques jours restants avant le bouclage pour se ressourcer. D'un pas rapide mais néanmoins silencieux pour ne pas reveiller les quelques personnes encore endormies Sophia se dirigea vers le réfectoire. A cette heure de la journée seule la famille qui s'occupait du temple était réveillée , ce qui permettait à Sophia de travailler dans la plus grande tranquillité. Elle fut donc surprise de voir 5 personnes attablées devant leur petit-déjeuner. Quatre d'entre elles ne lui était pas vraiment familières. Elle les avait seulement aperçues la veille au soir, certainement de nouveaux arrivants qui avaient décidé de s'isoler de la ville. Avec un grand sourire , elle se dirigea vers la cinquième personne et s'attabla à ses côtés. Elle chuchota quelques mots à son oreille :

Eh bien Sam , je ne te savais pas aussi matinal.

Son interlocuteur sursauta , surpris par la jeune femme qu'il n'avait pas entendu approcher. Puis il lui répondit par un grand sourire. Sophia connaissait Samuel depuis qu'elle avait découvert le temple pour son article , et s'il n'appartenait pas à la famille des propriétaires des lieux , il faisait tout autant partie du décor pour elle. Quiconque ne le connaissait pas aurait pensé que Samuel était un grand timide puisqu'il ne s'adressait jamais aux autres. Mais Sophia était une des rares en ces lieux à connaitre la vérité : Samuel était muet. Lorsque ce dernier devait s'exprimer , il utilisait son portable comme intermédiaire. C'est d'ailleurs ce qu'il fit pour répondre à la journaliste :

" Je n'arrivais pas à me rendormir , autant ne pas perdre mon temps" .

Sophia s'attarda un instant sur le visage du vieil homme. Jamais elle ne l'avait vu aussi soucieux lors de ses séjours précédents. ce qui voulait dire qu'il devait sans doute lui cacher quelque chose. Tout en réfléchissant à ce qui avait bien pu arriver à son ami , Sophia jeta un oeil aux autres personnes assise aux quatres coin de la longue table en bois afin d'essayer de cerner les nouveaux arrivants. Elle avait beau essayer de se couper de son travail en venant ici , ses réflexes n'en étaient pas moins actifs.

Aussi loin qu'on put le dater, le Temple de la Montagne d'Or était un édifice vieux de près de 1000 ans. La dernière religion à laquelle les historiens rattachèrent ce lieu spirituel est le Bouddhisme (qui laissa ensuite place à une démarche d'ouverture absolue envers toute pratique religieuse), mais ce temple trouvait sa genèse dans un culte mystérieux et disparu fondé par une petite communauté de prieurs qui s'était isolée dans les montagnes. L'on ne sait comment ils s'éteignirent, les rares récits du passé faisant état de causes surréalistes ou magiques que les experts n'avaient jamais su rationaliser.
On comptait dans le Temple deux salles de prière, témoins de ces anciennes croyances, basées respectivement sur l'Eau et le Feu, et disposées sur les côtés Est et Ouest d'une petite cour. On supposa que ce culte vénérait deux Dieux: l'un placide, imperturbable et symbole de discipline; l'autre sensuel, puissant et imprévisible.
La famille Bouddhiste qui gérait le temple depuis plusieurs générations décida jadis de préserver le patrimoine historique des lieux et ne toucha donc jamais à ces salles de prière, si ce n'est pour les entretenir, par volonté de ne pas affecter leur signification profonde. Les renommant "Chambres Inférieures" en raison de leur petite taille, ils construisirent une troisième salle de prière, plus grande, du côté Nord de la cour.

Chambre Inférieure - Eau
Samedi 2 aout 2019
23h50

Le Temple n'était connu que par une poignée de pèlerins et d'historiens venus maintes fois étudier l'édifice. Contrairement à d'autres destinations spirituelles qui avaient fait le choix de s'ouvrir davantage au tourisme, la Montagne d'Or cultivait son caractère paisible et reculé. Le petit public d'habitués qui s'était constitué était unanime à propos de l'aura mystique puissante qui régnait dans ce lieu niché dans les montagnes. Toute personne qui y avait séjourné en revenait profondément apaisée voire éveillée à de nouvelles perspectives.

Vêtu d'un kimono qu'on lui avait prêté, Cecil entamait sa nuit dans l'une des Chambres Inférieures, celle de l'Eau, sur les recommandations d'un pèlerin habitué du Temple. La pièce était petite mais de sublime allure: une fresque en décorait les murs d'une scène abstraite, indescriptible. Les formes étaient insaisissables, les couleurs ne contribuaient pas à la clarté de l'oeuvre qui procurait ainsi une impression profonde. Il était à peine intelligible que des forces divines y étaient à l'oeuvre, mais nul ne pouvait percevoir de quelle façon à moins que l'on ouvrit son esprit à des paradigmes encore méconnus.
Ce qui pouvait heurter une personnalité plus terre-à-terre, c'est la température de la pièce. Un froid dévorant régnait en maître sur cette petite salle de prière, si bien que l'on put se croire perdu dans le continent blanc en y pénétrant. En réalité, peu nombreux sont ceux qui osèrent se mesurer à l'épreuve d'une longue méditation dans cette tanière glaciale qu'était la Chambre de l'Eau. Cela nécessitait un certain recul spirituel, une capacité d'oublier les réactions limitées et faibles de son propre corps, d'oublier les trivialités du monde physique, pour entrer dans un univers imperceptible, celui des âmes.

Il n'était pas là un défi qui effraya Cecil. Il recherchait ce résultat.

Quitter son corps et laisser s'opérer la séparation entre son réceptacle physique et son âme.
Rupture réversible du lien entre ces deux éléments essentiels.
Elévation de l'esprit.
...
...
...

Chambre Inférieure - Eau
Dimanche 3 aout 2019
6h20

La Montagne d'Or portait ce nom d'après l'allure qu'elle revêt au lever du jour. Sa roche possédait certains constituants qui, à la lumière du soleil levant, reluisaient, de sorte qu'on pouvait croire qu'elle composée de pierres précieuses. Il n'en était rien: cette roche n'avait pas de valeur particulière, et on n'avait jamais entendu parler d'une roche qu'abriterait la Montagne en elle-même et dont on pouvait retirer un quelconque gain financier. Toute sa richesse était dans sa nature et sa dimension spirituelle.

Cecil ne put admirer un tel spectacle. Couché sur le ventre dans une position peu agréable, il se réveillait lentement dans la ténébreuse Chambre de l'Eau, non sans peine. La méditation de la nuit lui avait fait oublier toute douleur sur le moment, et c'est à l'instant de l'éveil qu'il en ressentit toute la concentration. Les membres profondément endoloris, dix bonnes minutes s'écoulèrent avant qu'il put tenter une première fois de se lever, sans succès. Il entreprit alors de simplement s'asseoir, le dos appuyé contre le mur le plus proche, et de patienter encore un temps. Les yeux fixant la petite fenêtre de la pièce donnant sur la cour et laissant passer un peu de lumière, qui ne suffisait pas à éclairer la salle sombre, il fit un premier bilan. A vif, tout était flou. La douleur était encore vive et ses souvenirs de la veille étaient troubles. Il parvint à peine à se rappeler du froid de la pièce, et fut surpris de ne plus le ressentir. Tout effort de mémorisation ultérieur fut vain, et lorsqu'il put, au terme d'une seconde tentative, se relever, il sortit de la Chambre et se trouva dans la cour déserte, depuis laquelle on pouvait entendre des prières venant de la Chambre Supérieure.

Admin Who Messages : 34 Date d'inscription : 19/01/2014

Réfectoire
Dimanche 3 aout 2019
6h53

Le réfectoire était désormais vide , à l'exception de la journaliste. Conditions de travail idéales donc pour celle qui était toujours en train de digérer la bouillie de céréales et le thé amer mis à la disposition des pèlerins. Le seul bruit qui troublait le silence était ceux de l'estomac de la jeune femme. Elle avait beau apprécier ce régime alimentaire , l'envie de manger du bacon et des oeufs le matin se faisait doucement ressentir. Heureusement qu'elle avait l'écriture pour éviter de s'égarer dans ce genre de considérations ...

Avec un petit grognement de satisfaction , Sophia posa son stylo et ferma son calepin. Elle venait officiellement de mettre le point final au dossier qui la préoocupait depuis un temps certain. A son retour en ville elle n'aurait plus qu'à scanner ses notes ( d'une lisibilité toujours remarquable malgré les ratures qui les parsèment) et à les envoyer à la rédaction , où quelqu'un retaperait le texte au clair et s'occuperait de la mise en page. En somme , son travail jusqu'au bouclage était presque terminé , ce qui lui laissait le loisir d'apprécier pleinement les lieux. Du moins était-ce qu'elle pensait alors qu'elle se dirigeait vers la cour, car les évènements qui suivirent lui donnèrent totalement tort ...

Alors que la journaliste était sur le point de pénétrer dans la cour , un bruit sourd résonna à travers les couloirs du temple. En tendant l'oreille , Sophia se rendit compte que l'origine du son semblait être du côté de l'entrée du temple , aussi fit-elle demi-tour et se précipita au pas de course sur les lieux. Lorsqu'elle aperçut quelques personnes agglutinées à l'entrée , elle sut que quelque chose n'allait pas. Elle avait une hypothèse sur la source du bruit , et alors qu'elle se frayait un chemin vers l'extérieur , ses soupçons se vérifièrent. Un éboulement. Ce qui rendait la voie d'accès au temple impraticable le temps de la dégager. Ce qui au bas mot prendrait deux voir trois journées. Mais dans l'état actuel des choses , la jeune femme ne pouvait rien faire de plus , aussi décida-t-elle de revenir à l'intérieur des locaux. Mûe par une soudaine inspiration , elle courut vers la salle radio , seul moyen de communication avec l'extérieur dont disposaient les occupants du temple. Quelque chose lui semblait étrange. Durant tous ses séjours dans les lieux , jamais un éboulement n'avait eu lieu , et pour en avoir discuté avec certains membres de la famille des propriétaires c'était effectivement un évènement rarissime. Et si on ajoutait à celà l'attitude des plus étranges de Samuel qu'elle avait constatée au petit-déjeuner , son instinct lui disait que l'éboulement n'était peut être pas accidentel. Et si quelqu'un l'avait provoqué , c'était vraisemblablement pour couper le temple de tout contact avec l'extérieur. Auquel cas il restait une seconde cible , et c'est ce qu'elle allait vérifier ...

Encore une fois , son intuition se révéla juste. Tous les appareils avaient été mis hors fonction , les câbles arrachés ne laissant aucun doute quant au caractère volontaire de la destruction du matériel. Mais ce n'était pas ce qui ôta un hoquet de surprise à la jeune femme. Quelque chose de bien plus dramatique que le sabotage des appareils radios s'était produit dans cette salle. Un corps gisait au sol , une mare de de sang s'écoulant sous ce dernier. Et ce n'était pas n'importe qui aux yeux de la journaliste :

Sam .. Non ...

Sophia se jeta sur le corps inerte de son ami, à la recherche d'un semblant de pouls. Elle n'était pas habituellement du genre à montrer ses émotions mais elle le mélange intense de tristesse pour son ami et de colère envers celui qui l'avait mis dans cet état lui ôta une larme. Et l'absence de pouls fut le coup de grâce . Elle s'écroula , en larmes. Elle n'arrivait plus à penser qu'à une chose : elle trouverait l'assassin du vieil homme et lui ferait payer , elle en faisait le serment. Plongée dans sa volonté de venger son ami , elle n'entendit pas les bruits de pas qui résonnaient dans le couloir. Ce n'est que lorsqu'elle sentit une main sur son épaule que Sophia se rendit compte qu'elle n'était pas seule dans la pièce. A travers ses larmes , elle aperçut le visage de la mère de la famille qui s'occupait du temple. Elle voyait ses lèvres bouger , mais abattue par le chagrin elle ne comprenait pas le moindre mot sortant de sa bouche ...

Temple - Dortoir
Dimanche 3 aout 2019
6h50

Cecil avait pu regagner son lit au terme de quelques pénibles mètres de marche. Il avait alors projeté de se reposer afin de récupérer de l'épreuve mentale et physique de la nuit, mais fut incapable de fermer l'oeil, comme tourmenté. De façon compulsive, comme toujours dans ces moments-là, il s'était saisi d'un des ouvrages trainant sur la commode et s'était mis à le consulter: une édition du canon bouddhique pali, visiblement vieux et usé. Divers plis dans ses pages jaunies suggéraient qu'il avait été lu maintes fois, probablement par des pèlerins intéressés ou des fidèles souhaitant revenir aux sources, et il ne faisait aucun doute que chaque chambre du Temple en comportait un exemplaire au moins aussi ancien au vu de l'historique des lieux. Un examen plus approfondi des lectures mises à la disposition des voyageurs montrait qu'avaient également été ajoutés, beaucoup plus récemment, les textes sacrés des autres grandes religions. On pouvait en outre y trouver quelques recueils de poèmes et autres citations de grands sages, ainsi qu'une notice demandant aux passionnés de lecture de se diriger vers la Bibliothèque du Temple pour tout approfondissement.
Le Temple de la Montagne d'Or était un lieu valorisant par dessus tout la recherche spirituelle, et il mettait à disposition toutes les ressources qu'il possédait afin que les voyageurs qui s'y arrêtaient puissent avancer dans leur quête théologique. Le cadre, en particulier, semblait tout désigné pour qu'aucun élément du "bas-monde" puisse venir souiller la pureté des lieux. Ainsi, tous ses habitués s'accordaient sur le fait qu'il ne s'y était jamais produit le moindre événement perturbateur et que leur séjour y avait été parfaitement tranquille. Un endroit aussi paisible n'avait jamais été frappé par la moindre tragédie, et l'on pouvait se demander si c'était ici chose possible.

A peine sa lecture entamée, Cecil entendit un énorme bruit provenant de l'extérieur du Temple qui fit comme trembler la bâtisse. Suspectant qu'un événement grave avait pu se produire, il mit immédiatement ses préoccupations de côté et bondit de sa chambre. Des gens accouraient vers un des couloirs de l'étage où se trouvaient plusieurs grandes fenêtres qui donnaient sur l'entrée du Temple. Cecil les suivit. Il dut écarter quelques personnes, visiblement sous le choc, stupéfaites, ou en colère. Lorsqu'il put observer le terrible spectacle, il eut un moment de surprise: un éboulement important avait condamné toute voie d'accès et de sortie du Temple, si bien que tous les voyageurs étaient actuellement bloqués. Le Temple prenait soudainement des allures de prison, et les inquiétudes commençaient doucement à poindre. Une dame d'âge mûr, confuse et visiblement désolée, s'adressa à Cecil:

Cher Monsieur Leinhart! Je suis si désolée qu'un événement aussi malheureux se produise lors de votre premier séjour parmi nous... Je n'ai jamais vu ça de toute ma vie ici!

La dame dont il était ici question était Amalia, la mère de la famille de propriétaires du Temple, qu'on appelait parfois affectueusement "Mère". Elle avait un visage qui respirait l'altruisme et l'hospitalité et elle était réputée pour son excellente mémoire. Elle se rappelait naturellement de tous les détails possibles concernant les voyageurs: elle n'eut donc aucun mal à reconnaitre le visage du jeune homme, se souvenir de son nom, et finalement du fait qu'il venait ici pour la première fois. Cette exclamation vint souligner auprès de Cecil le caractère inédit de l'éboulement pour le Temple et, bien qu'il s'agissait là de son tout premier séjour, il ne put s'empêcher de montrer ses premiers soupçons à propos de l'aspect "spontané" de la catastrophe. Saisi d'une intuition sur les forces à l'oeuvre dans le cadre de ces péripéties, il répondit à Mère Amalia:

D'après le guide distribué à l'entrée du Temple, il est possible, sous demande, d'effectuer des télécommunications avec l'extérieur. J'imagine qu'une salle spécifique y est consacrée, aussi j'aimerais que vous m'y conduisiez.

Amalia sembla surprise, l'espace d'un instant, par la franchise et le manque de tact de la demande de Cecil mais se résolut très vite à accéder à son souhait, lui montrant vraisemblablement une certaine confiance. Hochant de la tête pour montrer son approbation, elle se mit en route et Cecil la suivit calmement. Le cas de figure idéal fût qu'une aide puisse être contactée sans délai, de même que les familles des voyageurs prisonniers de la montagne, et que la route du Temple soit rapidement dégagée. Mais à mesure que la salle Radio se faisait proche, Cecil sentait que le pire scénario possible allait se concrétiser. Cette odeur, ce frisson, tout cela lui était cruellement familier.

Temple – Salle Radio
Dimanche 3 aout 2019
7h06

La salle Radio avait pour fonction de laisser aux voyageurs sans moyen de communication la possibilité de contacter leurs proches si besoin était. D'autre part, cette pièce avait aussi pour but d'assurer une certaine sécurité au Temple: les appareils mis à disposition permettaient de joindre les forces de l'ordre et les secours les plus proches en cas de malheur. Bien entendu, jamais on n'avait été amené à s'en servir dans ce but. Sauf aujourd'hui. Ironiquement, on put croire que le destin en avait décidé autrement et s'amusait d'empiler malheurs sur malheurs dans un enchainement impeccable. En réalité, c'était tellement bien construit qu'il ne faisait aucun doute qu'un piège géant se refermait sur ce coin naguère décrit comme un petit paradis. Tout était perdu: la salle entière avait été vandalisée de sorte qu'on ne put utiliser le matériel et aucun effort ne pouvait permettre de les remettre en état. Avec de la chance, un technicien qui se trouverait miraculeusement parmi les pèlerins pouvait improviser une radio de fortune afin d'envoyer un signal à la police.

Au beau milieu de ce chaos, l'on trouvait un noyau de désespoir. Une jeune femme en pleurs était agenouillée auprès du corps sans vie d'un vieil homme baignant dans une mare de sang. Mère Amalia se précipita vers la jeune femme, posant la main sur son épaule. Il était clair que la dame était très émue par tous ces événements. Néanmoins, avec beaucoup de dignité, elle avait fait le choix d'être forte pour soutenir la jeune femme en proie à de vives émotions. Cecil observait la scène de cette tragédie, son attention portée spécifiquement à l'attention du défunt. Un rictus de résignation se dessina sur son message. Il y serait donc encore confronté, même en ce lieu censé être le plus paisible du monde. Ce moment était voué à arriver d'un instant à l'autre.

La suite de ses actions était toute tracée. Il s'adressa aux deux femmes:

...Ceci est une scène de crime. Quittez les lieux immédiatement.